Nous avons sous les yeux, dit « L’Étoile », plusieurs exemplaires de dépêches télégraphiques très curieuses, destinées à être envoyées
à Paris par pigeons. Ces télégrammes aériens sont de forme vraiment lilliputienne ; c’est tout au plus s’ils atteignent les dimensions
de deux timbres postes ordinaires placés côte à côte. Ils sont, de plus, photographiés sur un papier extrêmement mince. Grâce à l’appareil
de réduction, une page de journal presque entière peut être transportée, en caractères microscopiques, sur ce feuillet-nain. À l’aide
d’une loupe de moyenne force, on lit fort couramment les caractères, lesquels sont, du reste, si nets qu’à l’œil nu, pour qui a la vue bonne,
on peut les distinguer. Ces dépêches se roulent et s’attachent sous la queue du pigeon. Est-il besoin de le dire ? C’est Ghémar qui a eu
cette ingénieuse idée et qui l’applique quotidiennement depuis le commencement de la guerre.
(Le Courrier de l’Escaut, 26 janvier 1871)
Règlements des expositions de la Société des Joyeux :
- Article 6 - Aucun artiste ne peut envoyer plus de 70 objets,
   à moins d’une autorisation spéciale de la commission (1854) ;
- Article 7 - Il n’y a pas de jury d’admission (1854) ;
- Article 11 - Les tableaux chastes sont seuls reçus ; à cet effet,
  une dame âgée sera adjointe à la commission directrice
  dont l’incompétence est notoire (1857) ;
- Article 24 - Un critique influent, auquel l’art est étranger,
  mais dont la bienveillance est acquise par la Société,
  sera chargé du compte rendu de l’exposition (1857) ;
- Article 3 - Les ouvrages en cheveux représentant des sujets funéraires
  pourront être reçus avec modération (1860).
« Une grande complicité marquera leurs mascarades, déguisements et pantomimes. Ensor est aussi facétieux dans la vie que dans ses œuvres
graphiques.»
(Jean-Jacques Simoens et Henri J. Dumont, « Une famille belge de la Belle Époque : les Hannon et les Rousseau,
leur activité et leur héritage scientifique », in Les Naturalistes belges, n° 93, 2012, p.7)
James Ensor n’était pas étranger à la zwanze
Le peintre anversois Jan Van Beers avait cédé à la société Braun à Paris les droits de reproduction exclusifs de sa toile
À Ostende/La Peureuse, représentant une scène de plage montrant un homme, les pieds dans l’eau, encourageant une femme à descendre les marches d’une roulotte de bain pour le rejoindre. L’image du tableau fut cependant reproduite sur des cartes postales et des coquillages, vendus dans des boutiques de souvenirs à Ostende, comme
celles de la famille Ensor. Afin d’épargner à sa tante une amende astronomique à la suite d’une action en justice, James Ensor fit
appel à l’avocat Edmond Picard qui réussit à limiter les dégâts. Quelques années plus tard, Ensor laissa libre cours à son
irritation en pastichant la toile de Van Beers dans son tableau L’appel de la Sirène.
Comme la zwanze, il inverse la situation, en se dépeignant lui-même, apeuré et hésitant,
en haut des marches d’une roulotte de bain similaire. Il hésite à se jeter à l’eau malgré les injonctions de la femme.
Jacob Kats était bien connu de Rops, qui le lisait pendant que son père Nicolas jouait du Bach au piano: « Pendant ce temps, je feuilletais,
couché à plat ventre sur le tapis, dans la lueur d'un 'quinquet', dans un gros livre plein de belles illustrations : 'Les Fables de Jacob
Kats'. Et je tournais les pages bien doucement pour ne pas troubler les musiciens. […] et il jouait jusqu'à onze heures ... pendant que
je m'endormais sur le vieux Jacob Kats ...»
(Maurice Kunel, Félicien Rops, sa vie, son œuvre, Office de Publicité, Bruxelles, 1943, p.7)
Dès la plus haute antiquité, les peuples, encore plongés dans l’enfance d’une civilisation abrupte, ont senti l’impérieuse nécessité de donner
aux instincts généreux des masses illettrées une organisation régulière et en harmonie avec les besoins d’une société qui, si elle ne faisait
point encore pressentir la féodalité, laissait au moins entrevoir, d’une manière indirecte, l’aurore d’une époque régénératrice. Chez les
Égyptiens, chez les Cophtes, les Ouistitis et généralement au sein de tous les peuples acéphales dont les institutions primaires avaient le
matérialisme pour base, les idées religieuses devaient se ressentir d’un mouvement rétrograde, qui allait tout naturellement les diriger vers
un but opposé où elles se confondraient avec les dogmes auxquels l’idolâtrie surannée d’un culte naissant prêtait un charme irrésistible
et que des lois mal interprétées rendaient plus attrayant encore pour des hommes primitifs. […]
Voilà ce que l’Europe veut… Elle l’obtiendra si, mettant de côté tout sentiment d’individualisme et revenant à la connexité des idées
hétérogènes, elle réduit ses exigences à la simple expression des besoins d’une époque qui, pour être hostile à un système qui fonctionne
mécaniquement, n’en est pas moins féconde en résultats incalculables, en enseignements de la plus haute portée.
(Guillaume Gensse,
Que veut l'Europe!, 1848)
Qui l’aurait cru ? Hitler au service des victimes ! C’est cependant ce que nous annonce le grand quartier général marollien. En effet dimanche
à 14 heures, le monstre nazi sera voué aux gémonies et, après des rites spéciaux dont nos lecteurs connaissent les détails, sera exposé sur
le gibet d’infamie. Nul ne doute qu’il y aura foule pour assister à cette manifestation et que cette foule emplira les escarcelles qui lui
seront tendues le long du cortège, au profit des prisonniers politiques. Ainsi en ont décidé les organisateurs : devant l’effigie du plus
grand criminel de tous les temps, des dons seront recueillis pour adoucir le sort des rescapés de Buchenwald et autres lieux de la mort lente.
Une fois de plus, le bon peuple des Marolles nous donne un témoignage de son esprit d’humour autant que de son altruisme et de son patriotisme.
Dimanche, allons donc nombreux participer à la liesse populaire et donnons généreusement pour que nos prisonniers politiques y soient
associés.
(Le Soir, 10 juin 1945)
Pour que rien ne manque à la folie de son tour de force et de farce, Ghémar a fait modeler des cadres symboliques, analogues aux sujets de ses
toiles. Il ne manque pas de clouer des clous, de vrais et énormes clous, aux semelles des zouaves d’H.Vernet ; ailleurs il s’amuse à piquer un
aviron nature, un aviron en vrai bois, au bordage d’un bateau et du « Marché aux chevaux » de Rosa Bonheur, il détache en toute saillie la
tête empaillée de l’étalon, le foin aux dents. Est-il besoin de dire que les recettes de ce « Musée Ghémar » – dont, plus de vingt ans après,
on parlait encore de Bruxelles à Ixelles – allaient tout droit prédestinées à une œuvre de bienfaisance.
(NADAR, Quand j’étais
photographe , Flammarion, Paris, 1895-1905, p. 231-232)
Godferdek ! Si cela continue ainsi longtemps, le plus vieux bourgeois de Bruxelles court grand risque de perdre ce titre ; il est menacé de se
voir dépouillé de son habit de garde civique. Mais, sapristi ! Ce ne sera pas sans peine qu’on lui fera revêtir un uniforme de porte-sabre,
ni qu’on l’affublera d’un tricorne et d’une soutane. Le jour où l’on essaierait de tenter cette transformation, je couvrirai d’opprobre les
audacieux. Ainsi donc, voilà où nous en sommes : on veut me soumettre au régime de Rome et de Paris; on veut m’ériger, ouvertement en
marguillier ou en sacristain et en bravo, quand la nuit est venue. Non, non, pas d’ça Lisette ; je ris là-dessus.
( Charivari belge , 1857)
Le Trombinoscope, une galerie de portraits ironiques, clôture la Great Zwans Exhibition de 1914. Le tableau
Les Syndics de la Great Zwans Exhibition par Navet (alias Arthur Navez, une des grosses légumes de l’art contemporain,
peintre peu végétarien) est une parodie d’un aréopage de régents hollandais du XVIIe siècle.
    La Great Zwans Exhibition vient de s’ouvrir dans les galeries du Marché de la Madeleine. Le clou du Salon est
incontestablement « Les Syndics de la Great Zwans Exhibition » représentant les organisateurs dans la pose des personnages du fameux
tableau de Frans Hals. (L’Art moderne, 1914)
Mais Les syndics sont également un clin d’œil à Léon Herbo, présent aux Great Zwans Exhibitions de 1885, 1887 et 1914,
qui s’était à plusieurs reprises mis en évidence comme régent hollandais, en habit austère avec chapeau assorti et un col à « floches ».
Sur la toile d’une qualité technique bluffante, il gribouille malhabilement un de mes ancêtres.
100 ans de surréalisme, et toujours fringant
Marcel Mariën était l’incarnation du surréalisme. Né à Anvers d’un père néerlandophone
et d’une mère francophone – ou vice versa comme il se plaisait à dire – les joutes verbales
et les inversions situationnelles constituaient sa marque de fabrique. À peine âgé de dix-sept ans il produit sa
première œuvre iconique, L’Introuvable, des lunettes à deux branches mais
avec un seul verre. Se liant d’amitié avec Paul Nougé et René Magritte, ses complices de ventes de faux tableaux et
billets de banque, il restera fidèle toute sa vie à un surréalisme empreint de subversion, de liberté et d’enjouement.
Il n’en va pas de même avec Magritte, qui se voit reprocher par Mariën de succomber au succès commercial. À l’occasion
d’une grande exposition de Magritte à Knokke, Marcel Mariën – avec Leo Dohmen – publie le pamphlet La Grande Baisse,
dans lequel est annoncé qu’à la suite du grand succès, Magritte a décidé de brader ses œuvres.
Pour illustrer son propos, Mariën métamorphose un billet de banque en remplaçant le portrait du roi par celui de Magritte.
Magritte rit jaune. C’est la rupture définitive.